Colloque organisé par Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (CAREP Paris)
Langues : arabe/ français (interprétation simultanée sur Zoom)
Argumentaire
La montée du populisme, qui a constitué un objet d’étude central de la recherche sur les fascismes européens des années trente puis sur le fonctionnement de certains régimes du tiers-monde après les indépendances, s’impose aujourd’hui à nouveau comme l’un des phénomènes les plus marquants de l’évolution politique mondiale, notamment dans les vieilles démocraties libérales historiques. Depuis une dizaine d’années, le populisme progresse, de fait, dans de nombreux pays, dopé par la révolution numérique et les réseaux sociaux.
Qualificatif polémique, le populisme traverse nombre de courants, d’idéologies et de discours politiques contradictoires. Présent à divers degrés sur les scènes politiques du monde entier, ses origines, son évolution et ses thèmes de prédilection varient cependant selon les contextes et les enjeux locaux. Ses termes, ses arguments et sa « logique » se retrouvent à l’œuvre dans les formations politiques les plus diverses qui cherchent à capitaliser sur la colère ou les peurs des citoyens.
En Occident, et plus particulièrement en Europe, le phénomène s’alimente des crises cycliques traversées par les démocraties parlementaires (perte de confiance dans les institutions démocratiques et les élites politiques dans le contexte de profonds changements économiques et sociaux qui contribuent à une indifférence grandissante vis-à-vis de la politique). Dans le monde arabe en revanche, il s’est développé sous des régimes autoritaires ou quasi autoritaires en place depuis les indépendances et dont la rhétorique puise dans le lexique populiste pour se donner une légitimité, repousser la transition démocratique ou encore légitimer des contre-révolutions.
Alors qu’en Occident, les populismes se fondent sur le rejet des partis traditionnels, du parlementarisme, des multinationales, du libre-échange, du politiquement correct et de l’islam présenté comme menace identitaire, dans le monde arabe, c’est à l’inverse, un populisme d’État ancré dans un discours patriotique de légitimation des institutions qui permet d’assimiler toute critique à un acte de haute trahison. À cela s’ajoute l’utilisation de la religion, aussi bien par les régimes que par les oppositions, comme outil de légitimation et de dénigrement des adversaires.
Plutôt que de chercher à analyser les phénomènes populistes au prisme d’un même moule, il s’agira, à travers l’étude des cas européens et arabes, de questionner la diversité du phénomène.
Où se situent aujourd’hui les nouveaux populismes à l’œuvre sur les deux rives de la Méditerranée ? Est-il pertinent de tenter la comparaison ? Quelle place y tiennent les élans xénophobes (l’exploitation de la peur des migrations en Europe, le complotisme dans le monde arabe, par exemple) ?
Il s’agira aussi de questionner le rôle joué par les révolutions depuis 2011 dans la critique et la subversion des traditions populistes. Les printemps arabes, prenant acte de cette instrumentalisation du référent populaire par des régimes autocratiques, se sont systématiquement revendiqués du “peuple” pour mobiliser les masses contestataires : la question se pose alors de savoir si tout discours populaire relève du populisme. Et s’il convient de distinguer, en Europe comme dans le monde arabe, un populisme de droite et un populisme de gauche.
On examinera, enfin, de quelles sources idéologiques s’alimentent les nouveaux populismes mis en œuvre par les contre-révolutions arabes et quels rapports ils entretiennent avec l’héritage de l’arabisme d’une part et avec les phénomènes populistes à l’œuvre dans les pays européens d’autre part.
Programme de la journée
08h45-9h00 Mot de bienvenue : Salam KAWAKIBI (Carep Paris)
09h00-10h20 Débat d’ouverture | Du populisme et de ses transformations
Modération : Salam KAWAKIBI (Carep Paris)
Intervenants :
- Azmi BISHARA (Arab Center for Research and Policy Studies)
- Pierre ROSANVALLON (Collège de France/EHESS)
- Bertrand BADIE (Sciences Po Paris)
10h30-11h50 Session 1 | Formes et acteurs du populisme en Europe et dans le monde arabe : un état des lieux
Modération : Elizabeth KASSAB (Institut des hautes études de Doha)
Intervenants :
- Federico TARRAGONI (Université de Paris) : Qu’est-ce que le populisme ? De l’importance de quelques distinctions conceptuelles
- Gurvan LE BRAS (CAPS) : La diplomatie face à la contestation populiste des pouvoirs en Europe et dans le monde arabe
- Abdallah SAAF (Université Mohammed V) : Configuration et sens des populismes d’État au Sud de la Méditerranéen
12h40-13h20 Session 2 | Populisme, révolutions et contre-révolutions
Modération : Claire TALON (CAREP Paris)
Intervenants :
- Claire BEAUGRAND (CNRS/IRISSO) : Les nouveaux visages du “peuple” dans la Péninsule arabique : des soulèvements populaires aux visions princières
- Mehdi MABROUK (CAREP Tunis) : Le populisme en Tunisie : discours, origines et vestiges
- Matthieu REY (CNRS/Collège de France) : Les passions de l’opinion greffées sur le désert de la tyrannie
13h20-14h00 Pause, suivie de la présentation de la demie-journée par
Isabel RUCK (CAREP Paris) à
14h
14h10-15h30 Session 3 | Populisme et crises de l’État-nation
Modération : François BURGAT (CNRS)
Intervenants :
- Abdelwahab el-AFFENDI (Institut des hautes études de Doha) : Le populisme, une guerre contre l’intelligence ? Rhétorique populiste et risques de sape politique
- Mohammed HEMCHI (Arab Center for Research and Policy Studies) : Le peuple face à l’étranger ou quand la politique étrangère devient populiste
- Tarek KAHLAOUI (Mediterranean School of Business, Tunis) : Populisme dans la seule démocratie arabe : à quel point est-il unique ?
15h40-17h00 Session 4 | Populisme et médias
Modération : Hala KODMANI (journaliste, Libération)
Intervenants :
- Mohamad al-MASRI (Arab Center for Research and Policy Studies) : Populisme et opinion publique : une lecture du Baromètre de l’opinion arabe 2019-2020
- Alain GRESH (journaliste, Orient XXI) : Y a-t-il une dérive populiste dans les médias français ?
- Aldjia Nabila BOUCHAALA & Aissa MERAH (Université Béjaïa) : Quand le médiatique devient populiste : risques sur l’apprentissage démocratique en Algérie
17h05-17h30 En guise de conclusion : panorama historique : Henry LAURENS (Collège de France)