7e Journées petites paysanneries : « Les petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers au nord et au sud de la Méditerranée. Contextes, contraintes et stratégies »
Le groupe petites paysanneries a le plaisir de vous annoncer qu’il organise les 7e Journées petites paysanneries autour du thème : « Les petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers au nord et au sud de la Méditerranée. Contextes, contraintes et stratégies »
Dates : 18-20 oct. 2017, Marseille
ENTRÉE LIBRE, INSCRIPTION OBLIGATOIRE
Argumentaire
Les arrière-pays montagneux et forestiers méditerranéens, lieux d’ancrage de petites paysanneries (PP) séculaires aux marges des centres du pouvoir, ont historiquement constitué des lieux de refuge pour les populations chassées des plaines, les exclus, les damnés et les rebelles à l’affut de moyens de subsistance et de résistance (Braudel, 1966 ; Debarbieux, 2001). De nos jours, les PP montagnardes et forestières, plus composites et de plus en plus intégrées aux entités nationales, souffrent, paradoxalement, de l’excentricité géographique et de la marginalité économique et sociale. Or, au-delà de la diversité des milieux physiques, culturels et des rapports tissés avec les avant-pays urbanisés, ces mêmes sociétés développent des pratiques adaptatives fondées sur des logiques spécifiques qui restent malgré tout exposées à des risques et à des incertitudes multiformes, que la politique publique n’arrive pas à endiguer.
- Contraintes physiques vs pluriactivité et plurifonctionnalité
Dans ces milieux, les pratiques agropastorales sont soumises à de multiples contraintes physiques (orographique et bioclimatique), humaines (migrations temporaires ou définitives), parfois à l’ensauvagement de la nature (faune sauvage en surpopulation, déprise agricole).
Longtemps négligées par les politiques publiques au Sud, ces zones, sont souvent associées dans les représentations collectives à la misère et au sous-développement, et désignées par les statistiques comme des espaces répulsifs et comme le principal réservoir de la pauvreté. Les politiques publiques dites participatives qui leur sont destinées, sont imprégnées de l’idéologie de la conservation de la nature et souvent peu soucieuses des enjeux sociaux et des conflits entre les paysanneries nés des multi-usages de l’espace (Aderghal, 2004, 2007). Au nord, malgré les divers dispositifs incitatifs (locaux, nationaux et européens), les arrière-pays montagneux et forestiers continuent à se « dévitaliser » et s’ensauvager.
Face aux contraintes, les PP déploient des stratégies pluriactives combinant la diversification agricole, l’artisanat et les commerces. En réponse à la demande de nature des citadins mus par un éthos écologisant (Saïdi, 2012) et encouragés par divers fonds incitatifs, on a vu se développer, à des degrés variables, de nouvelles formes de tourisme à la fois génératrices (directement ou indirectement) de sources additionnelles de revenu (emplois et services), et reposant sur la valorisation du patrimoine matériel et immatériel local. Le tout accompagné par de plus grands efforts publics d’investissement infrastructurel et d’accompagnement socio-économique.
- Conflits d’usage et marchandisation vs solidarités paysannes et innovation
La pluriactivité et la multifonctionnalité constituent un levier déterminant pour le maintien sur place des familles paysannes. Ces stratégies se heurtent néanmoins à de sérieuses contraintes au premier rang desquelles figurent les conflits d’usage et d’appropriation des ressources.
Sur la rive Sud de la Méditerranée, les PP se heurtent depuis plus d’un siècle à l’appropriation légale de la forêt par l’État. Ce dernier, se dotant d’une législation restrictive et coercitive (codes forestiers hérités de la période coloniale), continue d’assimiler, depuis un siècle, les « populations locales » à de simples « usagers ». Dans certains cas, le service forestier n’hésite pas à salarier saisonnièrement la main d’œuvre locale et à mobiliser des dispositifs sociaux publics et caritatifs, dans le but de maintenir les familles sur place (Boujou et Saïdi, 1996 ; Gardin, 2004) afin de satisfaire les besoins de l’exploitation monopolistique des ressources forestières, de l’entretien des forêts et de la lutte contre l’érosion. En France, où la législation forestière est plus lâche et le monopole étatique moins exclusif, les nouvelles dispositions législatives sur les feux de forêt semblent constituer une sérieuse entrave à la viabilité de l’élevage de montagne (Vilain-Carlotti, 2015). Les conflits d’usage divisent parfois les PP : il s’agit des sempiternels antagonismes entre agriculteurs et éleveurs (sédentaires ou en voie de sédentarisation), ou encore de la traditionnelle concurrence des éleveurs autour des ressources pastorales, qui s’accentue lors les périodes de sécheresse (Rosenbeger, 2001 ; Noin, 1970). Récemment, l’engouement des citadins pour la nature, concomitamment à la mobilisation mercantile de l’écologie, la « mise en tourisme » (et/ou la « touristification ») des territoires, ont souvent accentué la concurrence entre les familles paysannes. Les promoteurs immobiliers et touristiques, pour la plupart extérieurs au monde agricole et parfois étrangers, prompts à transformer les terres agricoles et les pâturages collectifs en complexes touristiques, constituent aussi une sérieuse menace. D’espaces agricoles pauvres et arides, certains arrière-pays montagneux et forestiers en France et en Europe méditerranéenne, se transforment ainsi en espaces de rente foncière.
Jusqu’à aujourd’hui, ni les conflits d’usage, ni les compétitions, pas plus que la logique marchande invasive n’ont a priori réussi à déstructurer complètement les PP des arrière-pays montagneux et forestiers (à l’exception notable de la Corse et de la Sardaigne), car les formes nouvelles et traditionnelles de solidarité représentent, à côté des stratégies adaptatives, un autre levier de résistances individuelles/familiales et collectives. Dans les pays du Sud de la Méditerranée où les instances représentatives non communautaires propres aux PP sont encore inexistantes ou balbutiantes, les solidarités traditionnelles (Auclair & Alifriqui, 2012) et, plus récemment, le développement du tissu associatif en milieu rural (Aubert et Saïdi, 2012), constituent malgré tout des espaces de négociation, des remparts contre l’accaparement des terres et participent dans une certaine mesure à la préservation des PP. Dans les pays du Nord, l’ingéniosité et la créativité des organisations paysannes constituent un vecteur de dépassement des individualismes, de conquêtes économiques et politiques et un appui essentiel au maintien et à l’installation.
Pour plus d’informations, voir : http://paysanneries.hypotheses.org/1774