jan 8, 2013

Soutenance de thèse en sociologie – Nadège Mazars

Les ruses de la pratique subalterne
La santé gérée par les autochtones en Colombie, un multiculturalisme de domination et/ou d’autonomie ?

La thèse sera présentée et soutenue le mardi 8 janvier 2013 à 9 h 00, par Nadège Mazars à l’adresse suivante :

Salle Claude Simon – Maison de la Recherche
4 rue des Irlandais – 75005 Paris
(Métro Cardinal Lemoine, Place Monge ou RER Luxembourg)
Le jury sera composé de:

M. Guillaume BOCCARA, Chargé de recherche 1er classe au CNRS

M. Christian GROS, Professeur émérite à l’ Université de Paris III (Directeur)

M. Michel JOUBERT, Professeur à l’Université de Paris VIII (Rapporteur)

Mme Danielle JUTEAU, Professeur émérite à l’Université de Montréal (Rapporteure)

M. Denis MERKLEN, Professeur à l’Université de Paris III

M. Patrice PINELL, Directeur de recherche émérite au CNRS
Un pot sera organisé à la fin de la soutenance.
Résumé de la thèse:
En 1993, la Colombie réforme son système de santé en suivant les orientations données par la Constitution politique adoptée en 1991 et les recommandations du « consensus de Washington ». Le pays entre dans une nouvelle ère politique dans laquelle la question sociale est redéfinie autour du thème de la pauvreté, tandis que la question ethnique acquière une visibilité inédite. Dans ce contexte, des Entités Promotrices de Santé Indigènes (EPSI) sont créées à partir du modèle générique des EPS, ces organismes d’administration de l’affiliation et des budgets de la santé qui jouent un rôle d’intermédiaire entre l’État et le patient. Les EPSI sont étroitement liées au monde autochtone. Elles gèrent l’accès à la santé d’une population dont la plus grande majorité doit être autochtone. Le personnel qui assure leur fonctionnement est recruté dans l’espace social et politique autochtone. Enfin, ce sont les autorités dites « traditionnelles » qui les contrôlent. Pour être des représentantes des communautés, ces autorités donnent aux EPSI une nature juridique publique, ce qui leur confère un caractère spécifique dans un système de santé où la tendance est à la généralisation de la privatisation.

Quelles sont alors les conséquences de l’intégration à la gestion des affaires publiques de ces structures de pouvoir autochtones et de leurs agents. Quels sont aussi les effets de domination et/ou les expressions d’autonomie que la pratique concrète de ce multiculturalisme génère ?

Analysant les enjeux qui se dessinent au sein du champ de la santé interculturelle, la thèse s’organise autour de trois moments. Il s’agit d’abord de caractériser le paradigme dans lequel sont pensés, depuis l’État, le système de santé et l’interculturalité pour comprendre comment les politiques du multiculturalisme deviennent un outil de domination par l’intégration. Le mode opératoire de cette gouvernementalité néolibérale s’appuie en particulier sur la promotion de l’empowerment, la participation autochtone au système de santé en étant l’une des expressions. On s’intéresse ensuite à la dimension dialectique des politiques du multiculturalisme à partir d’une enquête ethnographique menée sur trois EPSI dans trois départements (Cauca, César, La Guajira). La pratique de ce multiculturalisme conduit à une réinterprétation du sens qui lui est donné, en particulier au travers de la réappropriation de pouvoirs (contrôle territorial, biopouvoir) par laquelle devient possible la construction d’une autonomie de ces espaces autochtones. Mais cette autonomie n’est rendue possible, et cela constitue le troisième moment de la démonstration, que par l’existence préalable d’une dynamique sociale, collective et historiquement fixée qui a permis la formation d’un groupe d’agents capables de produire un discours et une pratique propre. Il s’agit alors d’étudier au travers de récits biographiques la formation sociale de ces possibles contre-publics autochtones en s’intéressant à la construction des habitus des agents et aux économies morales locales et globales qui ont contribué à la consolidation de ces contre-publics.


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