jan 16, 2013

Appel à contributions : Convocatoria Amerika 8

Violences, génocides, guerres, homicides, féminicides, crimes, meurtres, représentations esthétiques

Date limite de remise des travaux : 2 Mai 2013  (40.000 caractères, notes de bas de page et bibliographie comprises):

L’histoire de l’humanité est traversée de scènes de violence. Tous les mythes fondateurs comportent une guerre, une querelle, un événement sanglant. Verser le sang équivaut à construire une identité qui demeure, telle une marque indélébile, servant à voyager dans le passé et à se projeter dans le futur. Et si c’est valable à un niveau universel, cela l’est tout autant sur le plan régional, national, local, familial. Néanmoins, au-delà de toute spéculation spatiale ou tribale, tout ceci pose une problématique qui est liée aux débuts mêmes de l’humanité : le conflit entre le Bien et le Mal, entre la justice et l’injustice, celui des limites de la légalité, celui du libre-arbitre, le problème de la causalité du délit, c’est-à-dire de la relation entre l’acte punissable et la sanction, comme on peut le constater chez des écrivains tels que Piglia ou bien dans le roman noir au Costa Rica, au Pérou, en Colombie, etc. La mort se situe dans un territoire fluctuant, passant par la réalité et le désir, parce qu’elle est destructrice, parce qu’elle déconstruit, mais aussi parce qu’elle instaure la possibilité d’une transformation, d’un changement radical. En ce sens-là, les violences – ainsi que tous les autres thèmes que nous nous proposons de développer – produisent un effet de choc dans l’identité individuelle et collective. Ils opèrent à l’instar d’une refondation.

L’histoire des pays latino-américains s’inscrit dans la dynamique de ce processus. Même avant l’ignominie de la Conquête et de la colonisation et la disparition de millions d’individus parmi les peuples autochtones, l’histoire latino-américaine est marquée par cette violence fondatrice. Les processus de résistance indigène, l’Indépendance et les guerres civiles qui secouèrent ensuite le monde latino-américain dans sa quête de construction d’un modèle d’état, l’avènement de tyrans successifs, tout ceci porte également l’empreinte de la violence. Cette réalité soulève des problèmes qui sont liés à la reconquête de la mémoire et à la réécriture de l’histoire, avec la fonction de toute forme de représentation esthétique lorsqu’on aborde de telles thématiques.

Le génocide des peuples indigènes ne s’arrêta pas avec l’Indépendance. Au contraire, l’extermination de nombreux groupes ethniques – que ce soit de manière planifiée ou une conséquence des abus sociaux, politiques ou envers l’environnement – a prolongé cette tragédie jusqu’à nos jours. Les génocides commis depuis le XIXe siècle et, plus récemment, en Argentine, au Pérou, en Colombie, en Uruguay, au Chili, au Mexique, au Paraguay, au Guatemala, etc., prolongent cette longue chaîne d’organisation par l’Etat de l’élimination physique de tout opposant, sans possibilité de dialogue démocratique. La violence de genre s’inscrit dans la même ligne. La situation actuelle à Ciudad Juárez (Mexique) est là pour nous le rappeler.

Face à cette violence émanant des instances du pouvoir ou du narcotrafic, a surgi une violence de résistance, une réplique des secteurs marginalisés ou victimisés de la société :  rébellions indigènes, syndicales, politiques, attentats anarchistes, apparition de groupes armés s’opposant à l’armée d’état. La liste récapitulative de cette chronique de la violence semble interminable. Mais par ailleurs, ce n’est pas pour cela que nous devons oublier les organisations pacifistes qui, à la manière de celle fondée par Javier Sicilia au Mexique, proposent des solutions qui ne passent pas par l’affrontement direct.

Quel souvenir conservons-nous des champs de bataille, des camps de concentration, des territoires qui furent le théâtre de massacres, des ruines précolombiennes ? Le discours historiographique s’intéresse de plus en plus à ces thèmes mémorialistiques, car les déformations et les oublis ont imprégné les versions du passé. ¿ Que faire de ces espaces ?

Le milieu familial se fait également l’écho de la violence fondatrice que nous transmettent les mythes : infanticides, parricides, matricides, fratricides. Le sang appelle le sang, comme si de cette manière se créait une origine commune. Au drame historique répondent les drames sociaux et familiaux. ¿ Quelle image de la mort les peuples élaborent-ils dans ce contexte ?

Cette réalité a fait l’objet de procédés esthétiques de toute sorte. Depuis le XIXe siècle, les arts plastiques ont façonné l’image d’une société accablée par des affrontements en tout genre. Le roman policier, qui est né en langue espagnole en Argentine en 1878 – soit trente ans avant l’Espagne – a naturellement traité tous ces thèmes, qu’ils soient liés à la violence collective ou bien individuelle. Une évolution qu’a connu ce genre littéraire, grâce à la contribution de Borges et de Bioy Casares, jusqu’à l’époque actuelle où les romanciers mettent l’accent sur le crime, bien au-delà que l’idée moderne de sanction.

Tuer, mourir (de mort naturelle ou non), coupables, innocents, victimes : toutes ces catégories ont alimenté l’imaginaire artistique depuis le XIXe siècle et se sont étendues à d’autres expressions artistiques telles la musique (corridos de la révolution mexicaine et, pour citer un exemple récent, le narcocorrido), le cinéma, le théâtre, etc. L’essor du roman, du cinéma et des séries noires télévisées dans les pays latino-américains depuis les années 70 mérite une critique assidue pour en saisir les origines et le dialogue entamé avec la réalité. Que ce soit en art ou dans la vie, les gens meurent également.

Nous proposons pour ce numéro une approche interdisciplinaire qui passe par l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la diplomatie, les questions de genre et d’altérité : des représentations esthétiques de toute sorte. La période historique sur laquelle se focalise ce numéro 8 d’Amerika va du XIXe siècle à l’époque actuelle. Tout travail concernant un passé antérieur au XIXe siècle – en relation avec les périodes les plus récentes – est le bienvenu.

Cette réflexion est le résultat des échanges et du débat entre l’Université de Antioquía (Colombie) et l’Université de Rennes 2 (France).

Gustavo Forero Quintero (Université d’Antioquia, Colombie) ; Claire Sourp et Néstor Ponce (LIRA/ERIMIT 4327, Université de Rennes 2)

L’appel en différentes langues ici

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