fév 18, 2013

La newsletter du CERI – Février 2013

EDITO :
Par Roland Marchal, chargé de recherche (CNRS) au CERI

Après avoir pendant de longs mois expliqué pourquoi la France ne pouvait intervenir directement au Mali, François Hollande a opté pour le contraire. Curieusement, mais la France est la France, le débat politique national ne porte pas sur la valeur des arguments mis en avant alors et aujourd’hui. Qu’en est-il de cette absolue priorité qu’il fallait laisser aux Africains dans la gestion de leur continent ? Qu’en est-il de ces buts de guerre qui passent allégrement dans la bouche de nos dirigeants de la restauration de la souveraineté territoriale malienne à la lutte contre le terrorisme international ? Qu’en est-il d’une guerre sans cadavres pendant plusieurs semaines, proprement virtuelle, gagnée en si peu de jours qu’on ose à peine se souvenir que Bamako tremblait à l’annonce d’une offensive djihadiste ?

Trois grandes séries de questions se posent maintenant. La première tient à la capacité des mouvements armés au nord Mali de se réorganiser au lendemain d’une contre-offensive menée tambour battant par les forces françaises (les forces maliennes étant convoquées pour les conférences de presse). La reprise des villes a été rapide mais on sait aujourd’hui qu’elle était attendue par les insurgés. Les dirigeants français, et plus encore nos troupes, vont devoir admettre que les mouvements armés qu’ils combattent ne sont pas dénués de soutiens sociaux et ne relèvent pas toujours ou fondamentalement de la criminalité organisée comme ils s’en sont trop vite convaincus. Si ces groupes faisaient preuve demain d’une plus grande modération vis-à-vis des religiosités locales, leur popularité irait croissante au nord mais aussi au sud du pays. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les membres survivants de ces groupes armés concentrent à l’avenir leurs forces sur le seul Mali : la tentation sera grande, comme on le voit dans la Corne de l’Afrique, d’ouvrir de nouveaux fronts dans le même environnement régional. D’autres acteurs, hostiles à la France, comme les réseaux qaddafistes pourraient également se mobiliser contre une intervention rapidement cataloguée de française. Reste que Paris est aujourd’hui devenu comptable de tous les dysfonctionnement de l’intervention internationale.

La seconde tient à la définition d’une solution. Certains responsables internationaux se limitent à la seule composante touarègue de cette crise, en oubliant combien la dimension régionale des mouvements islamistes armés est conséquente. D’autres réduisent l’impasse politique à Bamako aux seules conséquences du coup d’état de mars 2012. Il est essentiel de souligner que le Mali fait face à une crise systémique de son fonctionnement politique et que le conflit au Nord n’en est, à bien des égards, que le révélateur. L’approche française, pour ce qu’elle se donne à voir, est profondément déséquilibrée privilégiant un versant militaire où les victoires s’accumulent mais faisant preuve d’un grand immobilisme (sans doute par impuissance) sur le versant politique. Rien n’illustre mieux ce malaise grandissant que les affrontements entre militaires maliens à Bamako au début février alors que les forces internationales font leur travail au nord. L’absence de message politique fort, malgré une profusion d’envoyés spéciaux, et l’obstination à avoir des élections avant la fin juillet 2013 risquent donc de conduire à la restauration d’un système politique, jugé obsolète par une grande majorité des Maliens (au nord et au sud) et générateur de conflits.

La troisième interrogation est récurrente dans toutes les grandes interventions internationales depuis 20 ans. L’environnement régional du Mali a joué un rôle important dans le déclenchement du conflit au nord, dans l’incapacité à avancer vers une solution institutionnelle à Bamako et dans la procrastination d’une bonne partie de la communauté internationale. On reste dans l’expectative pour savoir comment ces états vont réagir dans les mois qui viennent. L’Algérie et la Libye ont des intérêts paradoxaux (mieux vaut les djihadistes au nord Mali que chez nous), certains doivent soudain afficher une solidarité dont les ambiguïtés sont connues (Côte d’Ivoire et Burkina Faso notamment) et d’autres négocient dans leur association militaire à la France au nord Mali une rente diplomatique qui les protégera de toute critique sur leur gouvernance intérieure (Tchad et Nigéria).

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur l’intervention française, celle-ci met en porte-à-faux une nouvelle fois la réalité des interventions avec des politiques de sécurité qui, en Europe et en Afrique, ont fait la preuve de leur inutilité (« battlegroup » versus Architecture africaine de paix et de sécurité). Pourquoi persévérer dans l’erreur au lieu de remettre à plat ces dossiers importants ?

VIENT DE PARAITRE :

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Françoise Mengin, Fragments d’une guerre inachevée? Les entrepreneurs taiwanais et la partition de la Chine

Paris, Karthala, collection Recherches Internationales, 2013, 519 p.

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« Le mur fiscal » et au-delà : le deuxième mandat du président Obama

Le Dossier du CERI, sous la direction de Denis Lacorne, février 2013

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Riva Kastoryano (dir.), Turkey between Nationalism and Globalization

Londres, Routledge, collection Routledge Series on Global Order Studies, 2013, 228 p.

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Bertrand Badie, Quand l’Histoire commence

Paris, CNRS Editions, 2013, 63 p.

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François Bafoil, Resilient States from a Comparative Regional Perspective. Central and Eastern Europe and Southeast Asia

Singapour-New York, World Scientific Publishing, 2013, 360 p.

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Didier Bigo, Sergio Carrera, Elspeth Guild (dir.), Foreigners, Refugees or Minorities?: Rethinking People in the Context of Border Controls and Visas

Londres, Ashgate, 2013, 274 p.

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Hélène Combes et Gabriel Vommaro (dir.), « Clientélisme en situation. Échanges politiques, politisation et conflits moraux »

Dossier de la revue Cahiers des Amériques latines, n°69, 2012/1, 163 p.

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Jean-Pierre Filiu, Le Nouveau Moyen-Orient, les peuples à l’heure de la révolution syrienne

Paris, Fayard, 2013, 408 p.

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Catherine Wihtol de Wenden, La question migratoire au XXe siècle : Migrants, réfugiés et relations internationales

Paris, Presses de Sciences Po, seconde édition, 2013, 272 p.

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Elise Massicard et Nicole Watts (dir.), Negotiating Political Power in Turkey. Breaking up the Party

Londres, Routledge, collection Routledge Studies in Middle Eastern Politics, 2012, 208 p.

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Camille Laporte, L’aide au développement en Corée du Nord: efficacité et évaluation

Paris, L’Harmattan, 2013, 192 p.

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Marie-Françoise Durand, Thomas Ansart, Philippe Copinschi, Benoît Martin, Patrice Mitrano, Delphine Placidi-Frot, Atlas de la mondialisation. Comprendre l’espace mondial contemporain – Dossier spécial États-Unis

Paris, Presses de Sciences Po, 2013, 198 p.

COUP D’ŒIL :

Collection « Global Order Studies » aux éditions Routledge
Cette collection a succédé en 2011 à Europe in the World qui avait été créée dans le cadre du réseau d’excellence européen GARNET (Régionalisation et régulation dans la gouvernance mondiale). Global Order Studies, dirigée par David Armstrong (Université d’Exeter) et Karoline Postel-Vinay (CERI), est consacrée aux questions qui ont pris forme à l’échelle globale depuis le début du siècle et constituent de nouvelles données pour la coopération et la régulation internationales. En font notamment partie, la relativisation de la domination occidentale et l’impact des puissances dites émergentes, les changements d’échelles et de sites de la gouvernance mondiale, la redéfinition de la justice globale, et plus généralement les recompositions de la scène internationale.
Le premier titre paru de cette collection est Redefining Regional Power in International Relations. Indian and South African Perspectives par Myriam Prys.
Vient de paraître : Turkey between Nationalism and Globalization, sous la direction de Riva Kastoryano.

BREVES :

« Le Mexique après l’alternance : état des lieux et perspectives »
Le reportage vidéo du colloque organisé sous la responsabilité scientifique de David Recondo les 31 janvier et 1 février est disponible en ligne sur Viméo.

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