fév 27, 2013

EHESS Séminaire « Mobilités européennes, trajectoires locales. Familles roms migrantes en France » (mars-juin 2013, Paris)

Séminaire de recherche : Mobilités européennes, trajectoires locales. Familles roms migrantes en France

mars-juin 2013
EHESS, 190 Avenue de France, 75013 Paris
(m° Quai de la Gare)

Présentation :

Stigmatisées et réprimées comme nomades ou comme étrangères, les populations dites Roms, Roms et Tsiganes connaissent des situations historiques de ségrégation et de discrimination dans l’ensemble des pays européens. Cette situation décrite comme une « exclusion intérieure » est une des plus anciennes en Europe. Si le projet politique européen ne peut se construire sur des principes d’exclusion et de discrimination, il est aujourd’hui confronté à un renouveau des nationalismes, dans un contexte politique marqué par des politiques communautaires et nationales particulièrement répressives en matière d’immigration. Ces enjeux impactent directement la situation des familles roms, notamment migrantes, dont les trajectoires dessinent la figure collective d’une citoyenneté imparfaite, voire selon certaines hypothèses, participent d’un système d’« apartheid européen ». Ce cycle de séminaires propose d’explorer ces enjeux à partir de l’étude des migrations vers la France depuis les années 2000 et plus particulièrement depuis 2002, date de la libéralisation des régimes de circulation pour les citoyens roumains et bulgares, puis 2007, date de l’adhésion à l’Union européenne de ces deux pays qui comptent une proportion importante de populations désignées comme tsiganes. Il attachera une attention particulière à l’étude des modalités de l’action publique en leur direction.

Coordination : Milena Doytcheva (Université de Lille 3, CADIS-Ehess/CNRS)
<mailto:doytcheva.milena@gmail.com> doytcheva.milena@gmail.com

Programme :

Mardi 5 mars 2013 : 15 à 17 h (salle 2, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Marion Dalibert (Université de Lille 3- Geriico) : Représentation et manifestation de la blanchité (whiteness) dans la sphère publique : les minorités ethnoraciales astreintes aux marges de la francité ?

Au nom de l’universel républicain, la Nation française est colorblind (aveugle à la couleur). Elle refuse de reconnaître les groupes sociaux minoritaires en son sein. Or, des individus de nationalité française sont régulièrement marqués par l’attribut ethnoracial à l’intérieur des médias d’information généraliste, comme, par exemple, par les termes utilisés pour les désigner. Ces individus sont dès lors différenciés des citoyens socialement identifiés comme « blancs », c’est-à-dire des membres de la Nation qui ont un attribut ethnoracial considéré comme neutre et générique. En nous basant sur l’étude de la médiatisation de trois mouvements sociaux représentant des minorités ethnoraciales (la Marche pour l’égalité et contre le racisme, Ni putes ni soumises et le Mouvement des Indigènes de la République) au sein de la presse quotidienne nationale dite « de référence » (le Figaro, le Monde et Libération) et dans les journaux télévisés de TF1, France 2 et France 3, nous nous proposons d’interroger les processus d’ethnoracialisation (la construction de la frontière entre les « blancs » et les « non-blancs ») et d’altérisation à l’œuvre dans la sphère publique. Dans un deuxième temps, nous verrons comment ces analyses peuvent rendre compte du traitement médiatique des populations dites « roms » en France.

Mardi 19 mars 2013 : 15 à 17 h (salle 2, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Cécile Canut (CEPED, Paris-Descartes) : « Fuir la Bulgarie » …  ou l’ambivalence des discours (depuis le quartier Nadejda de Sliven)

Si une grande partie des Bulgares émettent fortement le désir de quitter leur pays, pour des raisons essentiellement socio-économiques, les couches les plus défavorisées sont les plus à même de porter des jugements extrêmement négatifs sur la Bulgarie. « C’est le pays le plus mauvais au monde », déclare un chauffeur de taxi à Sliven. Souvent contraints de rester par manque de moyens ou de rentrer suite à la crise en Europe de l’Ouest (l’Espagne, l’Italie ou la Grèce étaient des destinations privilégiées), les Bulgares les plus démunis s’en prennent d’abord aux gouvernements corrompus. Toutefois, une ethnographie longue permet de mettre au jour une grande fluctuation des discours vis-à-vis d’autrui ou de soi-même. Dans le quartier de Nadejda à Sliven, où vivent ceux qui sont désignés comme « Tsiganes » (ou depuis peu « Roms », terme du politiquement correct imposé avec l’entrée dans l’Union Européenne) cette ambivalence des discours est particulièrement forte. À partir d’extraits de films tournés à Nadejda (en 2007, 2009 puis 2013) je tenterai d’évoquer la complexité discursive et la fluctuation des positionnements subjectifs à l’œuvre dans le quartier.

Mardi 9 avril 2013 : 15 à 17 h (salle 3, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Nadège Ragaru (SciencesPo-CERI) : Des circulations internationales aux usages locaux des catégorisations : discours et politiques envers les Roms de Bulgarie

Cette intervention se donne pour objectif d’explorer les conditions et modalités de construction comme problème public des « questions roms » en Bulgarie, un Etat dont les politiques publiques envers les populations roms ont fait l’objet d’évaluations, supervisions et injonctions par une variété d’acteurs internationaux (dont la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil européen, mais aussi le Conseil de l’Europe, l’OSCE, etc.) depuis les années 1990. Elle vise en particulier à examiner les catégorisations changeantes dont les populations roms ont fait l’objet et les transformations intervenues dans les politisations des enjeux roms. L’hypothèse que l’on développera est que l’on observe un durcissement des clivages entre Roms et non-Roms sous les effets croisés de processus locaux, nationaux et internationaux. Cette polarisation, liée à une ethnicisation croissante des contrastes sociaux et territoriaux, s’inscrit notamment dans une entreprise de réaffirmation des hiérarchies ethnoculturelles de la part de membres de la société majoritaire eux-mêmes précarisés.

Mardi 23 avril 2013 : 15 à 17 h (salle 2, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Alexandra Clavé-Mercier (Université Bordeaux Segalen, LAM – UMR 5115) : Usages et enjeux des catégorisations identitaires dans une politique locale en direction des migrants roms

Depuis 2000, on assiste dans une agglomération de province à l’arrivée d’individus identifiés comme « Roms » de Bulgarie et de Roumanie dont le nombre est estimé par les associations locales entre 400 et 800 personnes. Ces migrants, soumis à un régime transitoire national juridiquement contraignant en termes de séjour et d’emploi, connaissent une forte visibilité dans l’espace public, par l’habitat en squat, la pratique de la mendicité et le recours massif aux associations d’aide sociale. Face à ce phénomène, la Préfecture de Région a mis en place une M.O.U.S. (Maîtrise d’œuvre Urbaine et Sociale) intitulée « Squats Roms », dont le pilotage technique a été confié à une association travaillant auprès de réfugiés et de demandeurs d’asile. Ce dispositif vise, d’une part, à éradiquer les squats et, d’autre part, à « intégrer » quelques familles « diagnostiquées » par l’association puis « sélectionnées » par la Préfecture sur la base de certains critères. En m’appuyant sur les données recueillies au cours d’un terrain ethnographique de dix-huit mois dans cette sphère politique et associative, je propose de questionner les constructions locales de catégories produites pour appréhender ces individus ainsi que l’implication de ces catégorisations identitaires dans cette politique locale.

Mardi 28 mai : 15 à 17 h (salle 2, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Claire Cossée (UPEC, CIRCEFT-REV et CRESPPA-GTM) : Roms, Tsiganes, « Gens du voyage » : de qui parle-t-on ?

Les catégories et ethnonymes employés de la part de ces différents groupes minorisés pour s’auto-designer ou qui leur sont assignés par la société majoritaire ne sont jamais neutres. Leurs usages relèvent tout autant de représentations confuses que de prises de position stratégiques, notamment dans le champ politique, tant du côté des institutions que de celui des militants. La diversité des références sert aussi à se distinguer entre groupes, parfois face au regard globalisant des « Gadjé ». Il n’en demeure pas moins que l’entretien des amalgames à des fins politiques renforce l’ethnicisation du regard porté et des pratiques d’intervention sociale menées auprès de ces différents groupes. Au delà de ces confusions, le jeu des ethnonymes et des catégories relève d’une vraie complexité sociologique. Cette communication entend démêler les multiples façons dont les noms sont utilisés, réappropriés, détournés parfois, et comment ces usages évoluent dans le temps, selon les interlocuteurs et les territoires d’où l’on parle.

Mardi 11 juin 2013 : 15 à 17 h (salle 3, RDC, Ehess, Paris 13ème)

Fabrice Dhume et Suzana Dukic (ISCRA – Méditerranée) : Production et reproduction d’un régime d’exception. Ce que l’intitulé « scolarisation des enfants tsiganes » veut dire

Dans le cadre d’une revue de littérature scientifique [1] portant les inégalités de traitement liées à « l’origine » dans l’orientation et les parcours scolaires en France, nous avons été amenés à analyser un corpus de documents relatifs à la « scolarisation des enfants tsiganes ». Son examen, dans une perspective diachronique, permet de soulever un certain nombre de pistes de réflexion sur les conditions de production et de reproduction d’un régime d’exception par l’école vis-à-vis de publics ethnicisés alors même, que d’un point de vue normatif, le référentiel d’insertion est prégnant. Nous nous proposons de traiter de cette apparente contradiction, d’en exposer les soubassements théoriques et politiques.

[1] DHUME F., DUKIC S., CHAUVEL S., PERROT P., De l'(in)égalité de traitement selon « l’origine » dans l’orientation et les parcours scolaires. Une revue de littérature, réalisée à la demande de la HALDE et de l’ACSE, Neuviller-la-Roche, ISCRA, 2010. Nous nous appuyons sur un corpus de 465 publications entre 1964 et 2010.

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