Appel à articles Belgeo 2014/2*
*Les grands équipements culturels dans les espaces industriels en
reconversion : de la requalification urbaine aux projets
métropolitains ? *
*Guest editors : Thomas Pfirsch, CALHISTE, Université de Valenciennes et*
*Bernard Reitel, DYRT, Université d’Artois *
Commission « Villes et métropolisation » du CNFG
Dans le contexte de la métropolisation et d’une concurrence accrue
entre villes, la culture s’est affirmée depuis une vingtaine d’années
comme un élément essentiel des politiques urbaines (Evans, 2001 ;
Swyngedouw et aliter2002 ; Grésillon ?) Elle apparaît aujourd’hui
comme un instrument incontournable de la transition post-moderne de
villes de plus en plus tournées vers l’innovation dans le cadred’une
économie de la connaissance. Depuis les expériences pionnières de
Baltimore ou de Bilbao, les musées et les grands équipements culturels
(bibliothèques, grandes salles de spectacle etc…) grands équipements
culturels jouent un rôle moteur dans cette affirmation des villes sur
la scène internationale. Ces « projets porte-drapeaux » (/flagship
projects, /Evans, 2005) souvent confiés à des grands noms de la
/starchitecture/ globale (Jenks, 2005, Gravari, 2009), servent
d’emblèmes pour de vastes projets de requalification urbaine. Les
ambitions se déclinent au-delà de la seule production d’une nouvelle
offre culturelle et touristique : il s’agit non seulement de
renouveler l’image de la ville, de repenser les centralités, de
réaménager les espaces publics, mais aussi de redéfinir les relations
entre une ville et son environnement régional. Depuis « l’effet Bilbao
» (réf), la création de grands équipements culturels emblématiques est
même devenue un paradigme urbain global, largement mobilisé par les
villes industrielles en crise à la recherche d’un nouveau destin
(Ingallina et Park, 2005), de l’Imperial War Museum de Manchester au
Musée du design d’Essen dans la Ruhr, du centre Pompidou de Metz au
tout récent Louvre-Lens…
Plus de 15 ans après l’expérience de Bilbao, et à travers l’exemple
des espaces industriels en reconversion, nous proposons d’analyser les
usages et les effets urbains de ces grands équipements culturels. En
effet, au-delà de l’effet vitrine et du marketing intense qui les
entourent, l’impact réel des grands équipements culturels demeure mal
connu et difficile à évaluer (Evans, 2005; Orueta, 2009, Lusso). Si
leurs retombées économiques immédiates ont parfois été approchées,
leurs effets urbains restent peu étudiés (Lusso, 2009). Il s’agit
pourtant d’une question cruciale, en particulier dans les espaces
industriels en reconversion. Dans ces régions marquées par la présence
de conurbations minières ou de vastes corridors d’urbanisation
polycentriques et considérés comme mal intégrés, les grands projets
culturels sont largement utilisés pour recoudre le tissu urbain, créer
de nouvelles polarités et « faire ville ». Ces projets sont porteurs
d’une ambition métropolitaine, à l’image des villes de la Ruhr qui,
quelques années après la fin du projet IBA de l’Emscher Park, ont
postulé collectivement au label de capitale européenne de la culture
2010, affirmant ainsi une « Metropole Ruhr » sur la scène
internationale. Les grands équipements culturels contribuent-ils
vraiment à structurer les espaces industriels en reconversion et à«
fabriquer de la ville »? Sont-ils réellement des moteurs de la
métropolisation de ces espaces ?
Outre cette approche urbaine, l’objectif de cet appel est aussi
d’émettre une posture critique. Au-delà des discours publics et du
marketing territorial, des études récentes ont en effet souligné
l’instrumentalisation croissante de la culture dans le cadre des
politiques urbaines néo-libérales, dont les musées et autres «
flagship projets » seraient l’une des manifestations symboliques les
plus éclatantes (Swyngedouw, Moulaert et Rodriguez, 2002 ; Rousseau,
2009 ; Smyth H., 1994). Les grands équipements culturels s’inscrivent
en effet dans une stratégie de « production d’un capital valorisable »
(Fagnoni, 2009), et enclenchent des dynamiques de valorisation
foncière et immobilière qui peuvent s’accompagner de processus de
gentrification ou de tri social. Dans des villes industrielles encore
marquées par une forte image ouvrière et longtemps caractérisées par
des politiques de keynésianisme spatial, ils peuvent aussi participer
d’un refaçonnement identitaire en direction des nouvelles classes
moyennes ou « créatives » (Rousseau, 2009). Enfin, ces grandsprojets
introduisent de nouvelles élites dans le jeu du pouvoir urbain et
s’accompagnent d’un rôle croissant des pouvoirs publicslocaux et
régionaux et le recours de plus en plus fréquent aux partenariats
publics-privés dans le contexte général d’une marchandisation de la
culture et de l’institution muséale (les marques Louvre ou centre
Pompidou devenant commercialisables sur le marché global… - Fagnoni,
2009).
Cette approche urbaine et critique pourra être développée autour de
trois axes principaux.
*Thème 1 : Les grands équipements culturels : des instruments
d’aménagement du territoire et de développement local*
Une première interrogation porte sur le modèle de gouvernance à
adopter pour ces politiques culturelles à visée économique. En effet,
sur quel jeu d’acteurs reposent ces grands projets culturels ? Le
retrait de l’Etat central et le rôle croissant des pouvoirs locaux et
des acteurs privés permettent-ils aux grands équipements culturels
d’être des instruments d’aménagement du territoire? Ces deux
dynamiques sont-elles compatibles ?
Se pose ensuite la question du modèle de développement local à adopter
pour obtenir un réel impact sur les villes industrielles en
reconversion. Comment les musées et les équipements culturels
s’inscrivent-ils dans leur environnement économique local ? S’agit-il
de simples « implants » ou forment-ils de véritables de catalyseurs de
développement local ?
En troisième lieu, les méthodologies méritent d’être questionnées. Si
les techniques d’évaluation des retombées économiquesdirectes des
musées sont connues (nombre d’entrées, emplois directs créés,
fréquentation des hôtels et restaurants alentour etc…), comment
apprécier à la fois quantitativement et qualitativement les liens
entre le musée et son environnement économique et urbain (perception
par les habitants, nouvelle image externe de la ville etc…) ? Comment
sortir des approches sectorielles ou segmentées pour situer les grands
équipements culturels dans « le système territorial tout entier »
(Fagnoni), en mettant en valeur par exemple des interactions entre
culture et tourisme, ou culture et industrie ?
*Thème 2 Grands équipements culturels et fabrique de la ville dansles
espaces industriels*
Outre leur visée économique, les grands équipements culturelssont des
instruments de requalification urbaine. La notion même de « projet
culturel » et son efficacité pourront être interrogées :la culture
peut-elle servir de base à un « projet de ville » dans les espaces
industriels, à savoir porter un projet collectif permettant à ces
territoires de se constituer une nouvelle identité locale tout en
s’affirmant à l’international ? Les infrastructures culturelles
entraînent-elles un déclin de l’identité ouvrière et industrielle de
ces espaces ?
Outre l’image de la ville, c’est aussi la question de l’impact des
musées sur les centralités et les espaces publics qui devra être
posée. Comment les grands équipements culturels s’intègrent-ils à ces
quartiers, à la fois du point de vue esthétique, morphologique et
fonctionnel ? Comment ces quartiers sont-ils reliés au reste de la
ville et appropriés par les habitants à travers leurs pratiques et
leurs mobilités ?
Enfin, se pose également la question des impacts sociaux des grands
équipements culturels. Si ces derniers créent de la centralité, ils
peuvent aussi être à l’origine de nouvelles fractures et
fragmentations urbaines. Quels sont les effets des musées et des
grands équipements culturels sur la valorisation foncière et
immobilière des quartiers environnants ? Ces derniers
s’accompagnent-ils de processus de gentrification ou de tri social ?
La culture est-elle mise au service d’une stratégie de requalification
des villes ouvrières en direction des classes moyennes supérieures?
*Thème 3. : Les grands équipements culturels, moteurs de la métropolisations?*
Enfin, les projets évoqués traduisent souvent une ambition
métropolitaine, celle d’inscrire les villes, les agglomérations à une
échelle au moins nationale, voire internationale et transfrontalière.
Dans les régions industrielles d’urbanisation diffuse, polycentrique,
la culture peut-elle servir de levier pour « faire métropole », à
l’image des villes de la Ruhr, collectivement impliquées dans le
projet d’axe culturel de la vallée de l’Emscher ? Les projets
culturels peuvent-ils servir de moteur à la mise en place de régions
urbaines plus intégrées susceptibles de peser dans la compétition
métropolitaine globale ?
Les textes devront donc étudier les nouvelles relations qui, à travers
les projets d’infrastructures culturelles, se tissent entre des villes
voisines d’un même corridor industriel, et à plus petite échelle entre
espaces industriels et grandes métropoles tertiaires. Le
positionnement des grands équipements dans l’offre culturelle
régionale et nationale, mais aussi les logiques d’acteurs et les
collaborations régionales ou transfrontalières dans l’organisation des
grands projets culturels sont autant de questions qui pourront être
étudiées.
*Les propositions, accompagnées d'un texte de présentation d'une page
au maximum, doivent être soumises aux deux guest editors
(*_*bernard.reitel@univ-artois.fr*
<mailto:bernard.reitel@univ-artois.fr>_* et *_*thopfirsch@hotmail.com*
<mailto:thopfirsch@hotmail.com>_*), avec copie au co-directeur de
Belgeo, Christian Vandermotten (*_*cvdmotte@ulb.ac.be*
<mailto:cvdmotte@ulb.ac.be>_*).*
*La date limite pour le dépôt des propositions est fin octobre 2013 et
les manuscrits prêts à être soumis aux referees sont attenduspour fin
avril 2014 au plus tard.*
*
*
*Cultural flagship projects in restructuring industrial areas : *
*from urban renewal to metropolitan strategies ?*
*Guest editors : Thomas Pfirsch, CALHISTE, Université de Valenciennes and*
*Bernard Reitel, DYRT, Université d’Artois *
*Commission « Villes et métropolisation » du CNFG*
In a context of increasing global competition between cities, culture
has become in recent years an essential component of urban policies
(Evans, 2001 ; Swyngedouw and aliter 2002). Culture is seen as an
indispensable instrument for the cities post-modern transition to
innovation-oriented activities in the context of the
knowledge-economy. Since the pioneering initiatives from Baltimore or
Bilbao, museums and large cultural facilities such as libraries or
major event complexes are playing a significant role in the assertion
of cities on the global scene. These “flagship projects” often
entrusted to top names of the global “starchitecture” (Jenks, 2005,
Gravari, 2009) are used as emblems for broader projects of urban
regeneration. Ambitions go far beyond the mere development of new
cultural or touristic services: the aim is not only to renew the image
of the city, but also to rethink centralities, to reshape public
spaces and to define new relations between the city and its region.
Since the “Bilbao effect”, building major cultural facilities has
become a global urban paradigm which has been largely mobilized by
industrial cities in search of a new destiny (Ingallina et Park,
2005): the Imperial War Museum in Manchester, the Design museum in
Essen in the Ruhr conurbation, the centre Pompidou in Metz and more
recently the Louvre in Lens.
More than 15 years after the Bilbao experience, we suggest to analyze
the uses and the urban effects of these major cultural facilities in
restructuring industrial areas. Indeed, beyond showcase effects and
marketing strategies, their actual impacts remain poorly known and
difficult to evaluate (Evans, 2005; Orueta, 2009, Lusso). If the
immediate economic effects of major cultural facilities have sometimes
been explored, few studies have analysed their urban consequences.
This is a crucial point, especially in restructuring industrial
areas*. *In such regions, shaped by mining conurbations or polycentric
urbanization corridors considered as badly integrated by planners,
large cultural projects are used to sew up the built-up fabric, create
new polarities and, in a word, produce urbanity. Like the cities of
the Ruhr’s conurbation, which, several years after the end of the
international architecture and urban planning exhibition IBA
(Internationale Bauaustellung), have collectively candidate to the
label of European cultural capital 2010 to assert a “Metropole Ruhr”
on the international stage, these projects embody the ambition to
build metropolises. *Do major cultural projects really help bring
structure and urbanity to industrial areas? Are they really a driving
force for metropolization processes?*
Besides this urban focus, we also suggest to develop a reflective and
critical approach. Beyond official discourses and territorial
marketing, recent studies have stressed the growing manipulation of
culture by neo-liberal urban policies, whose one of the most
impressive manifestation would be represented by flagship projects
(Swyngedouw, Moulaert et Rodriguez, 2002 ; Rousseau, 2009 ; Smyth H.,
1994). Major cultural facilities are part of a strategy of “producing
a valuable resource” (Fagnoni, 2009), and often generate land and
property valuations, which can lead to processes of gentrification or
social filtering. In old industrial cities which have long been
associated to a strong working class image and spatial Keynesianism
policies, , they can be used to reshape identities in order to attract
new middle or creative classes (Rousseau, 2009). Thus, large cultural
projects often introduce new elites in the game of urban power and
imply a growing role of local and regional public stakeholders as well
as an increasing recourse to public/private partnerships within a
context of growing merchandization of culture and museum institutions.
This urban and critical approach will focus on 3 over-lapping key areas.
*Theme 1: Major cultural facilities as tools for regional planning and
local development*
Papers will first explore the new governance models associated with
economic oriented cultural policies. Which players are involved in
major cultural developments? Faced with the withdrawal of central
governments, the rise of local powers and the increasing role of
private entities, the question will be asked whether museums and other
cultural facilities can still play a role in regional planning and
reduce territorial inequalities?
Papers will also analyze the economic impact of major cultural
facilities in industrial areas. How do these large projects fit into
their local economic environment? Do they remain mere transplants with
no effect on other economic sectors or can they create a dynamic of
development and economic restructuring for a whole region?
Third, methodological approaches will be discussed. Many works have
analyzed the direct economic impacts of museums, mostly in the tourism
and culture sectors, and using quantitative methods and data (number
of tickets, of new jobs, occupancy rates of the surrounding hotels and
restaurants…). But exploring the relationships between cultural
facilities and their economic environment requires broader and
cross-sector approaches, both quantitative and qualitative, in order
to catch the effects of flagship projects on the image of the cities
and their interactions with the local economic system as a whole,
including traditional and new industries.
*Theme 2. Major cultural facilities and the remaking of the city in
manufacturing areas*
Museums and other major cultural developments do not have solely
economic objectives, they also form part of large urban regeneration
programs.
First, papers will analyze the effects of cultural facilities on the
city image and identity, focusing on the concept of “project” which of
late has had an increasing importance in urban planning. Can “cultural
projects” be used as a basis for strengthening broader “cityprojects”
in old manufacturing areas, that is to say can the development of
collective projects be designed to create a new local identity and
international image?
The consequences of cultural facilities on urban centralities and
public spaces will also be explored. Indeed, large cultural
developments are often symbolic emblems for the building of new
central areas in industrial conurbations where public spaces are
scarce or absent. How do cultural facilities fit in with their
surrounding area, both in terms of aesthetics, morphology and
functions? Are they well connected to the rest of the city, and do
they reshape the residents’ urban practices and their movements in the
urban environment?
Another key issue is the impact of cultural flagship projects on the
social geography of manufacturing cities. Indeed, cultural facilities
can create new public spaces, but they can also generate new forms of
social segregation and processes of land and property valorization.
Are they associated to gentrification or other social filtering
processes? As some recent studies have pointed out, can cultural
projects be seen as parts of symbolic policies designed to redefine
working class cities for the new middle class and creative groups?
*Theme 3. Major cultural facilities as driving forces for metropolization?*
Major cultural developments are often part of metropolization projects
aiming at enlarging urban organization and governance on a wider
national, international and cross-border scale. This is the case of
the recent Emsher valley cultural project, which involves all the
cities of the Ruhr conurbation. In the old manufacturing areas, where
urbanization is often extensive and polycentric, can major cultural
facilities help form integrated urban regions that may have more
influence in the increasingly competitive global context?
Papers will explore the new sets of relationships that cultural
developments generate between cities of the same local manufacturing
area, and between industrial urban regions and large tertiary
metropolitan areas on a national or international scale. The
positioning of flagship projects in the regional or national cultural
market will be discussed, as well as the new regional cooperation
policies that cultural projects invariably generate.
*Proposals, with a short presentation (less than one page), has to be
submitted to both guest editors (*_*bernard.reitel@univ-artois.fr*
<mailto:bernard.reitel@univ-artois.fr>_* et *_*thopfirsch@hotmail.com*
<mailto:thopfirsch@hotmail.com>_*), with a copy to the co-director of
Belgeo, Christian Vandermotten (*_*cvdmotte@ulb.ac.be*
<mailto:cvdmotte@ulb.ac.be>_*).*
*The deadline for the proposals is end of October 2013 and final
papers, ready for submission to the referees, are awaited before the
end of April 2014 at the latest.*