La newsletter du CERI – Septembre 2013
Quo vadis Deutschland ? | ||
Par Christian Lequesne, directeur du CERI A moins d’une grande surprise, le parti de la Chancelière Merkel, la CDU, devrait arriver en tête des élections au Bundestag le 22 septembre prochain. La coalition qui en découlera est plus incertaine : elle pourrait être une « grande coalition » entre la CDU-CSU (l’allié bavarois) et les sociaux-démocrates du SPD. La reconduction de la coalition sortante avec les Libéraux du FDP est également plausible, si toutefois ces derniers atteignent la barre des 5% qu’impose la loi électorale. Que la coalition accueille le SPD ou le FDP, la politique économique de l’Allemagne ne sera pas très différente de celle qui a prévalu au cours des dernières années. Berlin continuera de plaider pour des politiques de discipline budgétaire en Europe, considérées en Allemagne comme l’unique moyen de relancer la croissance. Les temps continueront à être contraignants pour les pays du Sud de l’Europe qui sont engagés dans des plans de redressement. Non pas que Berlin ne voudra plus assurer du tout de transferts financiers (le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, a évoqué la possibilité d’un troisième plan de redressement pour la Grèce). Ce sont les politiques économiques exigées en contrepartie qui demeureront exigeantes. Ceux qui voient dans ces conditions une volonté délibérée d’Angela Merkel de dominer l’Europe ne comprennent généralement pas l’Allemagne contemporaine en finesse. Il est juste de dire que l’emploi précaire a augmenté en Allemagne avec les lois Hartz, notamment pour les femmes. Mais les fameux « mini-jobs » concernent un emploi sur cinq. Une majorité des citoyens allemands de 2013 – y compris lorsqu’ils votent pour les Verts – sont d’abord des classes moyennes qui ont des emplois sécurisés. Du reste, 76% des Allemands se déclarent heureux de leur sort dans un récent sondage. Dans le sens commun, ceci se traduit par une conviction : celle d’avoir un bon modèle. Ce qui sous-entend qu’en étant aussi rigoureux dans la gestion de leur économie, les autres Européens pourraient s’en sortir aussi bien. Cette confiance en soi, ignorante bien sur de l’histoire particulière de chaque voisin, est bien incarnée par Angela Merkel. Personnalité sans bling-bling, elle est populaire au-delà de son parti en apparaissant la garante du dit modèle. Cette certitude de disposer d’un « bon » modèle n’a strictement rien à voir avec une volonté de dominer, au sens de la vieille géopolitique. Voici pourquoi comparer Angela Merkel à un nouveau Bismark, comme on l’a hélas entendu en France, n’a aucun sens. Elle représente tout le contraire : une Allemagne qui, parce qu’elle pense bien s’en sortir, hésite à prendre des risques pour les autres, que ce soit en matière de transferts budgétaires ou d’opérations militaires. Si la réélection d’Angela Merkel doit interroger l’Europe, c’est parce qu’il ne faut pas trop attendre d’elle les manifestations d’un leadership, alors que l’on aurait besoin que la première puissance économique prenne des risques. L’union bancaire est un exemple : le parti de la Chancelière, la CDU, souhaite que la solvabilité des banques des pays du Sud de l’Europe soit mieux assurée. Quoi de plus légitime. Mais lorsqu’il s’agit de concevoir des procédures européennes de contrôle, il plaide alors pour le maintien des procédures nationales faute de confiance dans celles que pourraient imposer les autres. Si l’on considère que la politique européenne de la France – en raison de la situation difficile de l’économie et du clivage au sein du PS – ne peut être que prudente, et celle de David Cameron au Royaume-Uni bien davantage encore, toutes les données sont réunies pour que l’Union européenne ait du mal à faire un grand bond en avant dans les années proches.
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