Soutenance de thèse, Lila Belkacem « L’ « enfant perdu » et le « pays d’origine ».Construction des origines et expériences migratoires de descendants » (19 nov, Paris)
La soutenance aura lieu le *mardi 19 novembre 2013 à 9h* dans la salle A du Conseil à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 190 avenue de France, 75013 Paris.
Le jury sera composé de :
Stéphane Dufoix, Maître de conférence à l’Université Paris Ouest Nanterre
Didier Fassin, Professeur à l’Institute for Advanced Study (Princeton) et Directeur d’études à l’EHESS (Paris)
Nacira Guénif-Souilamas, Professeure à l’Université Paris 8, Rapporteure
Michèle Leclerc-Olive, Chargée de recherche au CNRS, Directrice de thèse
Gérard Mauger, Directeur de recherche émérite au CNRS (Université Paris 1)
Mahamet Timera, Professeur à l’Université Paris 7, Rapporteur
*La soutenance sera suivie d’un pot auquel vous êtes chaleureusement convié.e.s*. Afin de l’organiser au mieux, je vous serais reconnaissante de
bien vouloir m’indiquer votre venue.
*Résumé *:
Entendant déconstruire certaines représentations sur le « rapport au pays d’origine » des descendants d’immigrants ouest-africains en France, cette
thèse analyse les processus sociaux de construction des origines, c’est-à-dire de tout ce à quoi le terme « origine(s) » renvoie classiquement : des supposées cultures, traditions, valeurs, identités, mais également des lieux et des collectifs y étant associés. L’analyse se fonde sur cinq terrains ethnographiques conduits en région parisienne et au Mali auprès de « jeunes », de membres de leur famille et de représentants associatifs et institutionnels : des expériences de séjour long au Mali pour des « personnes en difficulté » ; une colonie de vacances organisée pour des enfants d’immigrants maliens ; des rencontres associatives entre « jeunes » et « aînés » sur la question des relations intergénérationnelles et de l’engagement associatif des « jeunes au pays » ; des consultations ethnocliniques pour résoudre des problèmes familiaux jugés culturels ; des conversations sur Internet convoquant la question du rapport aux « origines ». Dans ces situations, une pensée des racines est actualisée, présentant
le maintien des « liens au pays d’origine » comme une condition de la réussite et du bien-être des descendants d’immigrants, parfois qualifiés
d’« enfants perdus » lorsqu’ils ne se conforment pas aux normes valorisées par leurs parents.
Après avoir souligné le contexte socio-historique singulier dans lequel les descendants d’immigrants font la double expérience de la migration (directe ou indirecte) et de la minoration (sociale et ethnoraciale), cette thèse montre que pour comprendre le succès de cette pensée des racines,
l’adoption d’une perspective identitaire des « liens au pays d’origine » conduit à plusieurs impasses. Interrogeant les concepts de performance et
de performativité, elle se centre alors sur les mécanismes et les effets de la construction en situation des « origines » et accorde une attention
particulière aux rapports de pouvoir dits de génération, de sexe, de classe et de race/ethnicité. Au cours des situations sociales observées, des
traits de l’origine sont performés, s’accompagnant d’assignations, d’injonctions et de modes d’emploi à l’adresse des descendants d’immigrants. Or, cette performation ne s’avère pas simplement imposée aux « jeunes de France » mais est co-performée avec eux. La force de cette construction tient alors au fait qu’elle actualise des rapports de pouvoir asymétriques entre les interactants (descendants d’immigrants, migrants, représentants institutionnels, etc.), rapports qui ne peuvent se saisir hors du contexte français de minoration. Ainsi, sans nier l’importance des identifications et des sentiments de soi des personnes rencontrées, cette analyse situationnelle met en lumière l’intérêt, pour comprendre le « rapport au pays d’origine » des descendants d’immigrants, de se décentrer d’une perspective identitaire et d’une approche du « pays d’origine » comme donné, afin d’analyser la construction des « origines » en situation et en contexte migratoire minoritaire post-colonial.
*Mots-clés *: (Im)migration ouest-africaine en région parisienne, descendants d’immigrants, jeunesse, construction des origines, pensée des racines, performativité, performance, situation, expérience migratoire, expérience minoritaire, rapports sociaux de pouvoir