fév 21, 2014

Panel 033. Conflits et violences sociales dans un monde interconnecté et incertain

EASA 2014  Collaboration, Intimacy & Revolution – innovation and continuity in an interconnected world
Tallin-Estonie, 31 juillet-3 août 2014
*Panel 033. Conflits et violences sociales dans un monde interconnecté et incertain*
Sylvie Ayimpam, Roberto Beneduce, Jacky Bouju (Institut des Mondes Africains)
EASA 2014 Panel.13_3 Francais

*(Date limite pour l’appel à contributions : le 27 février 2014)*

Ce panel vise à réfléchir aux formes de violences ordinaires et à leurs dynamiques dans les sociétés contemporaines de plus en plus interconnectées
mais aussi de plus en plus incertaines. Les violences ordinaires qui prennent place dans le quotidien des rapports et des échanges sociaux ont
déjà fait l’objet d’analyses (Abéga 2003, Janin et Marie 2003, Bouju et de Bruijn 2008, 2014). Ces violences sociales se distinguent des violences
politiques ou économiques aiguës par leur faible intensité, leur caractère particulier, routinier et banal. Universelles, elles se manifestent dans
des relations sociales ou des interactions menacées par les abus de pouvoir, l’exploitation, ou l’anomie de la société globale. Les études
antérieures avaient centré leur analyse de la construction sociale des violences ordinaires dans le cadre des interactions physiques, en << face à
face >>, dans les relations familiales, conjugales, professionnelles ou vicinales dans les sociétés africaines. Cependant, les violences issues des
contextes nouveaux de l’interconnexion à distance et de la montée des incertitudes n’avaient pas été analysées en tant que telles. C’est donc au
prisme de ces contextes que nous proposons de réinterroger ici la question des conflits et des violences ordinaires.

En ce qui concerne l’interconnexion, il est de bon ton de dire que de nouvelles formes d’interaction et davantage de proximité, d’intimité et
d’interconnaissance sont générées par les nouveaux modes d’interconnexion intensive (téléphones portables, internet, réseaux sociaux virtuels,
groupes de discussion en ligne, sites de rencontre, etc. Pourtant, si les interactions << ordinaires >> peuvent produire à la fois de la solidarité et
de la rivalité, de la confiance et de la violence, on peut supposer que l’intensification et l’accélération de la communication permises par ces
modes d’interconnexion produisent des formes inédites de conflits et de violence ordinaire. Ainsi, l’interconnexion met ensemble des personnes qui
ne forment pas une << communauté >> en tant que telle (fondée sur des normes communes et des ressources partagées) tout en construisant une
communication familière et régulière qui évoque l’intimité. La question se pose de savoir ce que signifie cette intimité ? Est-ce un nouveau mode de
connivence que permet cet état de proximité sans coprésence ? Dans les sociétés où l’oralité est le mode principal de communication. Le
formidable succès du téléphone portable a contribué à intensifier les échanges et à désenclaver des personnes isolées. Mais cette intensification
semble multiplier aussi les possibilités de conflits interpersonnels.
La *disjonction* de la coprésence physique avec la communication orale ou visuelle est-elle si simple à résoudre? Le brouillage des frontières
privé/public  ne génère-t-il pas aussi de nouvelles tensions, de la jalousie ou du mépris, de l’envie ou de la rancoeur ? En Afrique centrale,
par exemple, une rumeur populaire fait état de numéros de téléphones portables qui tuent (Bonhomme 2011). Comment le téléphone mobile et
l’internet sont-ils représentés aujourd’hui comme des vecteurs modernes de la violence sorcière? Les migrants qui étaient jusque là relativement
éloignés des tensions et des conflits internes de leur communauté, sont aujourd’hui rattrapés par ces nouvelles possibilités d’interconnexion. En
ce qui les concerne, la << zone d’incertitude >> protectrice de leur intimité induite par la distance géographique est, de fait, annihilée par ces
nouveaux modes d’interconnexion.
Que devient cette qualité propre à l’intimité qui consiste à protéger ce qui est strictement personnel et qui reste généralement caché sous les
apparences pour être préservé des curiosités indiscrètes ? Une << intimité >> qui n’a pas toutes les propriétés de l’intimité n’est-elle pas, en soi, une
source nouvelle de rivalité et de concurrence, voire de violence ? Quelle violence intrusive surgit d’un *consentement* irréfléchi ou contraint à
voir ou à être vu, à être localisé à tout instant? Nous aimerions recevoir des propositions qui permettraient de réfléchir aux conflits et violences
qui naissent de ces différentes formes d’intimité << des mondes interconnectés >>.
Cependant, les sociétés actuelles ne sont pas que dans l’interconnexion intensive, elles sont simultanément travaillées par les inégalités
économiques grandissantes, la fragmentation sociale et l’hétérogénéité culturelle, favorisant la montée actuelle des incertitudes. Les principaux
modes de sécurisation de l’existence — que ce soit par le travail ou par la solidarité familiale ou collective– ne réussissent plus aujourd’hui à
réduire l’incertitude en général et les risques économiques, sociaux et sanitaires des plus faibles. En Afrique, ces phénomènes sont aujourd’hui
aggravés par la ruée nationale et internationale sur le foncier devenu une ressource de spéculation accaparée par les plus riches. L’insécurité
foncière est une source supplémentaire de vulnérabilité et d’incertitude pour les paysanneries dépossédées. Au niveau personnel, la précarité se
manifeste par un enchaînement d’évènements et d’expériences qui débouchent sur des formes de fragilisation économique, sociale et familiale. Le monde est alors perçu non seulement comme incertain, mais aussi comme menaçant.
A partir des tensions et des violences ordinaires, peuvent également surgir de l’incohérence normative ou des dérèglements de l’échange social. En
Afrique, par exemple, la recherche de la sécurité et la réduction de l’incertitude peuvent être considérées comme un trait majeur de la culture
contemporaine (Boholm 2003: 168). Cela se manifeste, entre autres, par la recrudescence des croyances à la sorcellerie et aux pratiques religieuses
et/ou occultes qui expriment la nécessité collective de donner du sens à l’infortune généralisée et à l’insécurité de la vie. Dans cette situation
d’incertitude, l’acteur social fait l’expérience de l’anxiété par rapport à des risques mal identifiés qui peut se développer en sentiment d’insécurité.
Mais, comment s’assurer que les choses se passeront comme on le souhaite ?
Les protections occultes, les pratiques magiques ou religieuses apparaissent alors comme des ressources appropriées à l’exercice d’une
contrainte favorable sur le cours des choses. Il en va ainsi du trafic d’organes qui constitue aujourd’hui à la fois une source d’angoisse
profonde, une forme de violence extrême et une source de revenu inespérée dans des contextes sociaux d’extrême pauvreté. Plus gravement, les crimes rituels, les meurtres avec mutilations, la profanation des tombeaux pour obtenir des organes ou des ossements, semblent s’inscrire dans un contexte d’approvisionnement national et international qui est engendré par une forte demande en provenance d’individus très riches angoissés par
l’incertitude du maintien de leur position dominante. Ces modes d’action sont généralement perçus comme des dispositifs susceptibles de limiter les risques et de réduire l’incertitude qui pèsent sur les destins individuels. L’acteur << se fie >> donc à leur pouvoir supposé d’évitement des situations dangereuses (Quere 2001). La << confiance >> accordée à ces dispositifs pallie donc le manque d’information et de moyen de faire face aux risques. Mais, la croyance à la sorcellerie et la confiance dans les << solutions >> occultes vont de pair avec la méfiance vis-à-vis de l’Autre. Cet Autre proche, l’intime, qui peut aider peut aussi faire du mal (Geshiere 2012). Une question qui se pose alors aux individus en situation d’incertitude est de savoir comment s’engager dans une interaction sociale incertaine, une intimité potentiellement dangereuse, caractérisée par l’ambiguïté et l’indétermination. Ces conceptions et ces dispositifs apparaissent, à leur tour, générateurs d’autres formes d’insécurité et de violence individuelles ou collectives (Martinelli et Bouju 2012). Aussi, aimerions-nous avoir des contributions qui décrivent les formes de violence qui en découlent tels les conflits ou << affaires >> liés par exemple à l’usage de techniques magiques ou de moyens << occultes >> (comme le trafic d’organes, la nécrophilie, les crimes rituels, le sacrifice d’albinos ou de nains, etc.) qui visent à renforcer les chances d’atteindre un résultat précis (Evans 1992, Tonda 2005) tout en étant porteurs de grande violence. De ce contexte général d’incertitude naissent de multiples formes de tensions, de conflits et de violence que nous aimerions explorer dans ce panel.
Mais, il en est d’autres pour lesquelles nous aimerions aussi recevoir des contributions. Ainsi, dans les conflits et les violences spectaculaires,
les guerres civiles et les rébellions comme celle qui agite la République Centrafricaine aujourd’hui (dans laquelle les nouvelles formes d’interconnexion ont joué un rôle considérable), il apparaît que l’agrégation des revanches personnelles donnant lieu à des viols, des
pillages, des mutilations) suscitent des vengeances qui s’expriment de la même manière. Dans ces situations, les violences ordinaires semblent
nourrir directement la violence collective de la guerre civile et réciproquement, se nourrir d’elle. Certaines formes de violence devenues
banales ou ordinaires comme la << justice populaire >>, ont été particulièrement médiatisées lors de ces événements. Cette forme de
violence, ancienne, les justifications qui en sont données, témoigne d’un hiatus historique entre les conceptions populaires et les conceptions
judiciaires du crime. Notre objectif est de comprendre comment cette violence est perçue, conçue ou justifiée comme de la violence aux yeux de
chacun des acteurs, que ce soit les victimes, les agresseurs, les témoins et le public.
Les contributions attendues dans ce panel doivent être fondées sur des expressions de la violence ordinaire recueillies au moyen d’observations ou
enquêtes (études de cas, récits, parcours de vie, etc.) dans différents contextes sociaux, dans différentes parties du monde et sur différents
types de conflits, tels que :
– les conflits matrimoniaux et domestiques, les conflits de voisinage, les conflits dans les rapports de travail, dans les rapports amoureux ou
amicaux, les conflits liés aux affaires de sorcellerie, les conflits fonciers en contexte d’accaparement des terres, etc.
– les conflits et les violences ordinaires engendrés par l’usage des réseaux sociaux virtuels, des sites de rencontre, des groupes de
discussion, etc. Dans les contextes d’interconnexion ou d’incertitude, l’observation fine des situations et des espaces sociaux réels ou virtuels
peut mettre en exergue différentes formes de violence ordinaire (contrainte physique, coercition psychologique, menaces explicites ou implicites, abus de pouvoir, exercice arbitraire de l’autorité, etc.).

Le panel attend des contributions qui porteront sur l’identification, le fonctionnement et les implications de ces processus conflictuels ainsi que
les violences ordinaires qui en découlent. Ce Panel 033, sur les conflits et les violences sociales ordinaires sera bilingue, Français et Anglais. Il se place dans une perspective interdisciplinaire et les contributions des différentes sciences sociales (science politique, sociologie, histoire, anthropologie, science de la communication et de l’information, droit) seront les bienvenues. Pour envoyer votre proposition de communication en Français ou en Anglais, cliquez sur le lien ci-dessous, puis cliquez sur le lien << propose a paper >> en bas de page, à gauche.
http://www.nomadit.co.uk/easa/easa2014/panels.php5?PanelID=3084
La date limite pour l’appel à communication est le* 27 février 2013.*
Mots-clés: Violence sociale, violence ordinaire, conflit, interactions sociales, échanges sociaux, solidarité, confiance, intimité,
interconnexion, incertitude, précarité, vulnérabilité, anomie, réseaux sociaux virtuels, nouvelles technologies de l’information et de la
communication, régulation sociale, action collective, changement social.

*Conflicts and social violence in an interconnected and uncertain world*
Sylvie Ayimpam, Roberto Beneduce, Jacky Bouju
*Short abstract*:
This panel aims to understand ordinary social violence and its dynamics in the reordering of interactions and social relationships in a context of
uncertainty in different social settings of the interconnected world.
*Key words*: Social violence, ordinary violence, conflicts, social interactions, solidarity, trust, intimacy, interconnection, uncertainty,
precariousness, vulnerability, virtual social networks, social regulation, collective action, anomy, social change.
To send your paper proposal in English to this panel 033, please follow the link below and click on the << propose a paper >> link bottom of the page.
http://www.nomadit.co.uk/easa/easa2014/panels.php5?PanelID=3084 (will close on 27 february 2014)

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