mar 4, 2014

Newsletter de l’Iddri – février 47

La révolution du gaz de schiste : miracle ou mirage ?En Europe et en France, l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis suscite curiosité, controverses et envie. Ses bienfaits supposés pour l’économie et le secteur manufacturier américains soulèvent aussi des inquiétudes. En outre, ce débat, extrêmement polarisé, est souvent mal compris, mal interprété.

Face aux enjeux et au besoin de clarté, l’Iddri a lancé un projet de recherche sur 5 mois consacré aux aspects économiques de la révolution du gaz de schiste aux États-Unis et à ses conséquences pour l’Europe. Sachant que les priorités politiques sont actuellement l’emploi et la compétitivité, nous entendions évaluer de manière rationnelle et empirique les questions économiques, en laissant pour un temps de côté les thématiques environnementales importantes, comme l’analyse du cycle de vie et la pollution locale.

Ces travaux ont débouché sur une longue étude empirique intitulée « Unconventional wisdom: an economic analysis of US shale gas and implications for the EU » (Study N°02/14), récemment publiée sur le site Web de l’Iddri. Cette étude s’appuie sur des données publiques et une méthodologie transparente. Que constate-t-elle ?

Il ne fait aucun doute que la révolution des hydrocarbures non conventionnels a été rapide et profonde aux États-Unis. Néanmoins, il convient de remettre ses retombées économiques à leur juste place. Pour les ménages, la cherté du plein d’essence a largement annulé les effets de la baisse de la facture de gaz. Seul un petit nombre d’activités grosses consommatrices de gaz bénéficient réellement du recul des prix du gaz. Pendant ce temps, le déficit commercial de l’industrie manufacturière a continué de se creuser aux États-Unis. On observe donc que les avantages économiques du gaz de schiste sont dans une large mesure localisés, et cantonnés à une poignée de secteurs très gourmands en gaz. On peut penser que les États-Unis deviendront exportateurs nets de gaz naturel dans le courant de la décennie actuelle, mais qu’ils resteront aussi de gros importateurs de pétrole. Il est donc temps d’adopter de nouvelles mesures, comme la tarification du carbone et/ou des normes d’émission, afin de faire significativement baisser les émissions dans ce pays.

Revenons plus près de chez nous : l’Europe n’en est qu’aux premières heures de la recherche de gaz de schiste. Elle devrait se heurter à des conditions plus difficiles qu’aux États-Unis en termes de géologie, de géographie, de réglementation et d’acceptation sociale. Nul ne peut affirmer pour autant qu’il n’y aura pas de production de gaz de schiste en Europe, mais cela prendra beaucoup de temps et l’échelle sera vraisemblablement limitée. Nous estimons, selon un scénario médian, que le gaz de schiste devrait couvrir environ 3-10 % de la demande de gaz au sein de l’Union européenne (UE) à l’horizon 2030. Que la dépendance de l’Europe vis-à-vis des importations devrait s’accentuer. Et qu’en Europe, les prix de l’énergie devraient rester tributaires des cours sur les marchés internationaux, élevés et volatils.

Quelles sont les conséquences en termes énergétiques, climatiques et de compétitivité pour l’Europe ? Premièrement, le gaz de schiste ne constitue en aucun cas la panacée : le handicap énergétique de l’Europe persistera et s’aggravera dans les prochaines décennies. Deuxièmement, il en résulte que l’Europe doit continuer de tendre vers une stratégie énergétique et climatique globale. Cette stratégie devrait s’articuler autour de l’efficience énergétique, qui est le moyen le plus significatif d’alléger la facture pour les consommateurs. L’éco-innovation aura aussi un rôle crucial pour contribuer à assurer une compétitivité durable aux industries européennes. L’Europe doit renforcer son marché intérieur de l’énergie afin d’améliorer sa sécurité énergétique et de faire baisser les prix. Enfin, elle a besoin de développer rapidement ses propres sources d’énergie propre, comme les énergies renouvelables.

En mars, l’Europe va négocier les prochaines étapes de sa politique climatique et énergétique. Elle doit pouvoir s’appuyer sur des orientations stratégiques globales et de long terme pour relever le défi énergétique, climatique et de la compétitivité. Et le gaz de schiste ne saurait constituer une solution miracle à la tâche, ardue mais impérative, de construire un système énergétique compétitif en Europe. En préparation à la récente publication de la proposition de la Commission pour le paquet énergie-climat 2030, l’Iddri a lancé une réflexion, et déjà publié plusieurs Policy Briefs, sur le contexte, la nécessité et la teneur possible de ce plan d’action. Ces documents s’intéressent aux principes et aux modalités du paquet 2030, à l’inclusion de cibles en termes d’énergies renouvelables, ainsi qu’au traitement des questions de compétitivité.

ÉVÉNEMENTS

Mardi 4 mars, Paris – An Exploration into Sufficiency-based Business Models in the Food Sector, une session du séminaire développement durable et économie de l’environnement (SDDEE), animée par Erik Mathijs (université catholique de Louvain).

Des changements radicaux, par exemple inspirés par le concept de sobriété (sufficiency), font aujourd’hui l’objet de débats passionnés en matière de transition énergétique. Lors de cette session, Erik Mathijs ouvrira de nouvelles perspectives autour de ces questions, en proposant une analyse du secteur de l’alimentation.

Mardi 4 mars, Paris – L’urgence européenne ?, une session des « Mardis de l’avenir – La transition écologique en débat », organisés par l’Assemblée nationale, avec l’appui du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, de l’Iddri et du think tank Cartes sur table.
>> Événément sur invitation uniquement (places limitées)

Jeudi 6 mars, Paris – Forum de la Recherche à Sciences Po.
Ce Forum permettra de découvrir les sujets de recherche explorés dans les différents laboratoires de recherche de et associés à Sciences Po. Les travaux menés à l’Iddri y seront présentés par une partie de l’équipe.

Mercredi 19 mars, Paris – Policy Briefing on Climate Engineering, un atelier co-organisé par l’Iddri et the European Transdisciplinary Assessment of Climate Engineering (EuTRACE).
>> Événément sur invitation uniquement (places limitées)

La question de la géo-ingénierie pourrait s’annoncer comme un sujet de débat inattendu des prochaines négociations climatiques de 2015, avec toute l’incertitude existante encore à ce jour sur sa portée, son champ d’application et ses objectifs. Cet atelier vise ainsi à éclairer et informer les décideurs politiques en France et dresser un état des lieux des débats autour de la géo-ingénierie.

Mardi 25 mars, Paris – La mesure de la vulnérabilité structurelle comme instrument de politique de développement international, une session du séminaire développement durable et économie de l’environnement (SDDEE), animée par Patrick Guillaumont (Ferdi).

Cette session permettra de comprendre le rôle clé du concept de vulnérabilité structurelle dans l’élaboration des politiques de développement, pour cibler les interventions de l’aide publique. Elle permettra également d’explorer les pistes pour consolider et compléter la mesure de la vulnérabilité structurelle en l’étendant à de nouvelles variables socio-économiques ou environnementales, comme la vulnérabilité au changement climatique, ou le capital naturel, se positionnant ainsi au cœur des questions de développement durable.

Vendredi 28 mars, Paris – Les innovations : promesses pour un développement durable ?, une conférence organisée par l’Iddri et l’AFD à l’occasion de la parution de l’édition 2014 de Regards sur la Terre.

L’édition 2014 de Regards sur la Terre explore l’innovation dans toutes ses dimensions, à travers une série de contributions d’auteurs de renommées mondiales, qui analysent des expériences du monde entier. À l’occasion de la sortie de l’ouvrage et de sa parution en librairie, l’AFD et l’Iddri réunissent certains de ses auteurs et des personnalités qui viendront répondre aux questions suivantes : quel est le véritable potentiel de ces modèles alternatifs et des technologies émergentes ? Sont-elles le moteur d’une troisième révolution industrielle ? Leur rapide déploiement conduit-il à des sociétés plus inclusives et durables ?

Mercredi 2 – vendredi 4 avril, La Rochelle (France) – Réduire les risques littoraux et s’adapter au changement climatique, un colloque organisé conjointement par l’Iddri et le laboratoire LIENSs (université de La Rochelle et CNRS).

Ce colloque-débat a vocation à soutenir les progrès de l’action publique française dans les domaines de la réduction des risques naturels et de l’adaptation au changement climatique sur les littoraux. Pour cela, il s’appuiera à la fois sur des communications de chercheurs qui proposeront un état actualisé des connaissances scientifiques au moment où le 5e rapport du GIEC est rendu public, et sur des interventions d’acteurs qui témoigneront de leur propre expérience de terrain.

VIDÉOTHÈQUE

Mardi 21 janvier, Paris – Pièges en haute mer, une session du séminaire développement durable et économie de l’environnement (SDDEE), animée par Julien Rochette et Elisabeth Druel (Iddri).

Les zones marines situées au-delà de la juridiction nationale (ZAJN) sont soumises à des pressions anthropiques croissantes, tandis que de nouvelles activités s’y développent, interrogeant la capacité du cadre de gouvernance actuel à assurer la conservation et l’utilisation durable de leur biodiversité. Le processus de négociations en vue de la conclusion d’un nouvel accord international sur le sujet soulève de nombreuses interrogations : quel est l’équilibre des forces en présence ? Comment assurer l’articulation entre un nouvel accord et les instruments, globaux et régionaux, déjà applicables dans les ZAJN ? Comment lever les différents obstacles pour permettre l’élaboration d’un instrument ambitieux, capable d’assurer effectivement conservation et utilisation durable de la haute mer et de ses ressources ?

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